Jalouse
Je dois aujourd'hui faire acte de repentance et avouer un de mes pires travers : je suis jalouse.
Je vous passerai le détail des scènes de ménage homériques que j'ai pu faire au Toudoux - qui soit dit en passant, fait preuve d'un stoïcisme particulièrement agaçant quand on cherche un public réactif à ses états d'âmes et au déballage de mesquineries en tout genre. Les "tu m'aimes plus, je le sais, j'en suis sûre, tu vas me quitter pour cette pou.iasse de secrétaire de 25 ans qui fait la poule dans les couloirs de ton service en dandinant son fessier taille 36 et ses seins en silicone sous le nez de tout ces abrutis de la gent masculine qui n'ont toujours pas compris qu'elle n'avait que du yaourt entre les deux oreilles!" provoque tout au plus un sourire niais sous un oeil torve et indifférent. (et au passage, je m'excuse auprès de toutes les secrétaires pour ce raccourci digne du comptoir d'un café.)
Mes gesticulations n'ayant jamais l'effet escompté sur mon cro-mignon, ma jalousie dirige donc ses fourches caudines vers un tout autre sujet : le petit nounours.
O combien de fois, dûs-je serrer les dents quand celle-qui-fait-si-bien-le-boulot-à-ma-place, la nounou- qui est au demeurant une femme charmante- me raconte que MON BEBE A MOI a éclaté de rire pour la première fois et lui a décoché de grands sourires, tout à son bonheur d'être si bien dorloté...
Bien evidemment, mes protestations larmoyantes laissent le petit Nounours de marbre.
Force est de constater que les petits Nounours sont des ingrats sans coeur!
La troisième cible de ma jalousie- ô combien plus délicate et illégitime- est mon travail.
Toute personne censée est en général trop heureuse de se voir débarrassée pour quelques temps (vacances, congé maladie, démission, etc) de ce "supplice" et de pouvoir enfin se consacrer à son bien-être personnel.
Et bien, je dois être dotée d'un gène défaillant, parceque pour le coup, mon boulot, je l'adore!
Non contente de ne pas dormir la nuit, de passer mes journées avec un paquet suspendu au sein ou au biberon et de me trainer quelques séquelles de l'accouchement, je me suis tenue informée régulièrement pendant mon congé maternité du travail effectué par mon remplaçant.
Hier, j'effectuais mon grand retour sur la scène professionnelle, ravie de laisser derrière moi les couches et mon bidon de Le Chat Machine.
Mon remplaçant - dont le contrat court jusqu'à la fin du mois et dont je trouve le travail satisfaisant mais sans plus- me fit partager ses aspirations professionnelles.
Je fut très étonnée d'abord d'apprendre que ce jeune homme avait postulé sur un poste ressemblant étrangement au mien (je traduis : un poste sur lequel j'aurais pu tout à fait postuler même si j'adore mon poste actuel que je n'abandonnerais pour rien au monde. Mais tout de même, "ils" auraient pu penser à moi...)
Plus forte fut ma consternation quand j'appris que le jeune homme en question -qui semblait être très apprécié par mes collègues et par mon chef- avait toutes ses chances pour ce poste. (Franchement, ils auraient pu me le proposer ce fichu boulot...)
Le paroxysme de mon agacement fut atteint quand à la fin de la journée je cumulais plus de 15 "Coucou, t'es revenue finalement? Super! .... Mais X, qu'est ce qu'il va devenir????"
- Et bien, il va faire comme moi à son âge, il va chercher du boulot, il va passer des entretiens (Mais bon sang, pendant que ce glandu lisait l'Equipe, oubliait de taper les notes de synthèses demandées dans les temps et ne rangeait JAMAIS le bureau, je repeuplais le pays, moi!)
Non, en fait, pour de vrai, je n'ai pas répondu ça. Je n'ai rien répondu du tout.
Par contre, j'ai fais une grosse boulette.
Auprès d'une collègue impliquée dans le recrutement qui me faisait part de la bonne position de mon remplaçant pour ce poste, je me suis épanchée et ai pleurniché pendant dix minutes sur le fait qu'il était très compétent intellectuellement mais immature. (et surtout super désordonné, super vantard et super trop zen, pour moi qui suis au taquet en permanence, prête à agir et à m'exécuter dans la minute).
Cinq minutes après cette faiblesse, je m'en suis voulue, parceque je sens bien que je me suis tirée une balle dans le pied. Ma remarque n'a fait que me dévaloriser auprès de cette collègue qui ne manquera pas de faire part de mon ignominie à d'autres collègues.
De quel droit ai-je essayé d'intervenir dans un recrutement qui ne me regarde pas?
Pourquoi ai-je voulu desservir un garçon qui -bien que le boulot ne fusse pas parfait-dixit le principal interressé, mon chef- a su se faire adorer (et peut être plus que moi) de tous mes collègues -même de ceux que je n'ai jamais réussi en deux ans à dérider?
Bref, on peut le dire, sur ce coup là j'ai été une ignoble garce et j'en suis bien mârri.
Pour me rattraper de cette ignominie, je vais :
1) être aimable et tolérante avec ce jeune homme;
2) l'aider dans sa recherche de boulot;
3) faire profil bas auprès des autres collègues pendant quelques semaines.
Demain, je vais à Canossa.